Lundi 18 avril 2011, je quitte le petit village de Takli-Bhima dans lequel je viens de passer deux passionnantes semaines dans une ferme biologique, afin de me rendre en quelques heures de bus à Shrirampur, petite ville d’environ 80 000 habitants, située au Nord-Est de Pune dans le district d’Ahmednagar. Je suis, à mon arrivée, chaleureusement accueillie par Manisha Agashe, institutrice en maternelle, formatrice et superviseuse pour Vanasthali depuis plus de 20 ans. J’avais déjà rencontré Manisha quelques semaines auparavant, lors de la rencontre annuelle des superviseuses de Vanasthali à Pune et elle m’avait proposé à cette occasion de séjourner chez elle pendant la durée du camp de vacances. La famille Agashe possède une grande propriété non loin du centre-ville de Shrirampur où Manisha a créé son « balwadi » (école maternelle à trois niveaux), entre la grande maison familiale et l’étable avec ses quatre vaches, le tout entouré d’une cour commune, ombragée par un arbre à tamarinier et un immense manguier.
Bien que l’école soit vide d’enfants à mon arrivée en raison des vacances scolaires, la quasi-totalité de l’équipe pédagogique est présente ce matin-là afin de régler les formalités administratives de fin d’année et clôturer les procédures d’admission pour la prochaine rentrée scolaire (début juin). Je fais donc la connaissance de Deepa, Smita, Jaya, Yogita, Aarti et Swati, les six institutrices de l’école qui encadrent également le camp d’été de cette semaine.
Après un délicieux repas (Manisha est un vrai cordon bleu !) et une courte sieste, je rejoins les enfants qui se sont déjà réunis dans un grand hall du centre-ville. Accueil très chaleureux de cette petite troupe d’une trentaine de bambins, tous âges confondus, de 3 à 12 ans, qui s’affairent à diverses activités manuelles. Je fais la connaissance de Pooja, la fille aînée de Manisha, chaleureuse et énergique jeune femme d’une trentaine d’années qui organise le camp. Première surprise : Pooja m’apprend que, non non, les enfants ne dorment pas du tout sur place, tout le monde rentre chez soi le soir et revient chaque après-midi, de 15h30 à 18h30. Naïvement, je m’étais attendue à trouver, derrière le terme de « Summer Camp », une bonne vielle colo avec dortoirs ou tentes, excursions en forêt, chansons scouts et veillées au feu de bois (bon j’exagère un peu, mais j’avais tout de même emporté mon couteau suisse au cas où, pour les cabanes et les pique-nique !). Les « Summer Camps » de Vanasthali correspondent en fait plutôt aux centres aérés français qui accueillent les enfants en journée durant les vacances scolaires.
Pendant trois heures, les sept animatrices leur proposent diverses activités manuelles : collage, découpage, dessin, poterie, origami… le tout en utilisant beaucoup de matériaux naturels et de récup’ (graines, écorces et épluchures, glaise des champs, branches et feuille d’arbres, papiers de bonbons, vieilles cannettes, CD usés, etc.). Chaque après-midi se termine par une demi-heure de jeux et activités motrices pendant laquelle tout le monde, enfants et animatrices, se dégourdit les jambes. J’ai donc appris, au cours de ces six jours, non seulement à confectionner une multitude de splendides objets à partir de matériaux locaux très simples, mais aussi une ribambelle de nouveaux jeux très drôles et ingénieux, comme la ronde des statues ou Spy-eyes (sorte de chat permettant de mémoriser les prénoms, qui se joue à l’aide d’une vieille cannette).
Après en avoir discuté avec Pooja et Manisha et sélectionné avec elles les activités de mon répertoire pouvant fonctionner avec ce groupe, j’ai à mon tour proposé plusieurs jeux et activités d’animation linguistique : le chef d’orchestre, le killer, l’épervier, le kangourou qui vomit, la salade de fruit ou encore l’écureuil et sa noisette ont tous connu un grand succès auprès de petits et grands ! Mon épisode préféré de tout le Summer Camp reste sans aucun doute l’excursion du vendredi à la pépinière : voyage inoubliable en auto-rickshaw plein à craquer d’enfants chantant a tue-tête ou discutant bruyamment, à coup d’arguments tranchants, la grande question de toute la semaine : savoir s’il convenait de m’appeler « Camille didi », grande sœur, ou bien « Camille maushi », tata ! (Á mon grand réconfort, « didi » sortit finalement vainqueur d’un vote très serré !) Promenade dans la pépinière, découvertes de plantes fabuleuses (en tous cas très exotiques pour mes yeux d’Européenne), dégustation de jus de canne à sucre, pique-nique clôturé par une grande opération chorale au cours de laquelle je fut sollicitée a plusieurs reprises pour quelques solos en français… Magnifique journée !
Comme le Summer Camp n’avait lieu que l’après-midi, j’ai disposé de mes matinées pour découvrir la vieille ville de Shrirampur, me faire inviter pour le petit-déjeuner dans diverses familles, visiter un temple jaïn et découvrir les rites de cette religion, me faire superbement décorer pieds et mains au henné, recevoir une initiation à l’art du « Rangoli » (dessins colorés réalisés par les femmes avec de la poudre de roche afin d’orner l’entrée des maisons à l’occasion d’un événement, d’une fête…). J’ai eu également la grande chance de pouvoir assister, de façon tout a fait exceptionnelle, à une audience du tribunal pénal pour mineurs d’Ahmednagar, l’une des proches amies de Manisha y exerçant en tant que juge. Journée émotionnellement très éprouvante mais absolument passionnante.
Le Summer Camp s’est clôturé le samedi après-midi par une petite cérémonie d’au revoir, organisée de A à Z par le groupe des « grands » (9-12 ans). A ma grande surprise, on me demande sur place d’accepter d’être l’invitée d’honneur de l’événement et d’improviser à l’occasion un petit discours (avec traduction simultanée anglais/marathi assurée par l’un des enfants pour tout le monde !). Après quelques témoignages d’animatrices, enfants et parents sur le déroulement de la semaine et un magnifique spectacle de danse solo présenté par Anushka, 6 ans, sur les rythmes endiablés du portable de son grand frère, les parents ont pu découvrir, dans une très belle exposition, les 1001 merveilles confectionnées au cours de la semaine.
Les deux choses qui m’ont le plus marquée au cours de cette semaine sont d’une part l’esprit de solidarité et d’entraide dont font preuve spontanément ces enfants dans un groupe ou les âges sont si disparates (automatiquement, les grands prennent les petits en charge, les guident, les consolent), d’autre part le dynamisme, la créativité et la formidable cohésion émanant de l’équipe d’animation… Chapeau mesdames ! Et merci pour tout !